Quelles lectures érotiques pour quel patient ?



Par Marie-Noëlle Chaban
Revue Sexualités Humaines n°38


Introduction à un sujet : « Désir désirs » et lectures érotiques

Pourquoi cette thématique ? Je suis ce que certains appellent une lectrice boulimique… donc sans cesse en recherche de nourritures livresques venant combler ma faim d’apprendre, de comprendre et de ressentir.
Etant de surcroît sexothérapeute (!), la littérature érotique m’a permis de nouveaux champs d’investigation et d’étude, donc de ressources supplémentaires à proposer à mes patients en panne d’inspiration. La plupart des ouvrages ici présentés ont donc été lus et ont fait l’objet de classifications certes subjectives mais… très investies.
Lors d’un café sexo sur la littérature érotique en 2016 à Angoulême, nous avions avec Daniel Habold imaginé une mise en scène et en mots interactive… Aidés en cela par des professeures de lettre érudites et des comédiennes inspirées, nous avions pu ainsi faire partager à un auditoire ravi l’humour, la poésie et la diversité d’un choix de textes érotiques et polissons, agrémenté d’un retour historique et d’une ébauche de classification.
La communication que m’avait demandé l’ASCLIF lors des journées de Genève en 2017 « Désir désirs » m’a permis de retravailler ce sujet, au service des sexologues (et de leurs patients) en recherche d’outils livresques plus aboutis.

Erotisme et/ou pornographie ? Tentative de définitions

Dans Introduction à la pornographie : Panorama critique, de Claude-Jean Bertrand et Annie Baron-Carvais, il est dit que « la pornographie représente, ou évoque clairement, un aspect de la nature, ou de l’activité sexuelle de l’être humain. Et son effet principal (le seul parfois) est de stimuler la libido de l’usager, quelle que soit l’intention du créateur. (…) La pornographie montre ce qui ne se montre pas normalement (…). Il est banal de séparer l’érotique (noble) et le porno (ignoble), l’un qui exalte la sexualité et l’autre qui la dégrade ; l’un implicite, voilé, et l’autre explicite, brutal ; l’un subtil et complexe, et l’autre simpliste et vulgaire ; l’un chic et l’autre prolétaire ; l’un doux et l’autre violent ; l’un poétique et l’autre cru ; l’un esthétique et l’autre industriel et commercial ; l’un acceptable, l’autre répugnant ; l’un contestataire et l’autre abrutissant ; l’un écrit et l’autre iconique ; l’un féminin et l’autre masculin. »
En substance, les auteurs mettent l’accent sur « l’absence de frontière nette entre les deux, du fait qu’entre les deux extrêmes, la substance et l’intention peuvent être plus ou moins pures ou mélangées, raffinées et complexes, mais le matériau et la visée sont similaires, en tout ou partie. » 

Erotisme et/ou pornographie ? Cinquante nuances de…

La chercheuse, philosophe et écrivaine Michela Marzano situe la différence entre érotisme et pornographie dans la présence ou non de récit. L’érotisme met en scène un récit, une histoire – à l’aide de mots ou d’images – qui racontent le désir et la rencontre des êtres.
La notion d’esthétisme et d’art dans l’érotisme, ainsi qu’une approche davantage intellectualisée via un style narratif, serait pour certains le marquage d’une frontière le distinguant de la pornographie ; le caractère obscène et actif (l’acte sexuel sous la loupe, un vocabulaire volontiers cru voire ordurier) différencierait l’objet du sujet... Descriptions graphiques humides et perspirantes, ventilées de détails anatomiques au-dessous des ceintures, la chair y est étalée, détaillée, fouillée dans ses moindres replis.
Pour Georges Bataille, il s’agit d’une aspiration fondamentale au néant, au sordide et à la saleté, retour en force de l’animalité en nous, l’érotisme est ce qui donne un sens complet à la transgression que l’absence de Dieu redouble. Autant qu’ils le peuvent, les interdits maintiennent le monde réglé par le travail, la vie attelée, à l’abri du désordre qu’introduisent la mort et la sexualité. De ce point de vue, l’érotisme n’est pas seulement ce qui illumine : il est, dans la conscience de l’homme, ce qui met l’être en question. Il est le scandale de la pensée : « De l’érotisme, il est possible de dire qu’il est l’approbation de la vie jusque dans la mort. »


- Formateur en Hypnose Médicale, Ericksonienne et EMDR - IMO au CHTIP Collège Hypnose Thérapies… En savoir plus sur cet auteur

Rédigé le Mercredi 14 Novembre 2018 à 15:17 | Lu 190 fois modifié le Mercredi 14 Novembre 2018
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